Pourquoi la Suisse, bastion historique de la confidentialité numérique, pousse-t-elle à l’exil une entreprise comme Proton en raison d’une surveillance de masse aux relents totalitaires ? À l’heure où la protection des données devient un enjeu mondial, la révision de l’ordonnance suisse sur la surveillance des communications (OSCPT 2025) menace-t-elle l’avenir de la « Swiss Privacy » ? Ce départ forcé de Proton marque-t-il un tournant dans la militarisation de l’Internet en Europe ? Face à ce basculement, quelles stratégies l’Afrique peut-elle adopter pour récupérer sa souveraineté numérique et attirer des investissements d'entreprises comme Proton en se positionnant comme un refuge de la vie privée ?
Proton, pionnier du courriel chiffré, a annoncé en juillet 2025 le transfert de son infrastructure hors de Suisse, investissant 100 millions de francs suisses vers Francfort et Oslo.
La fin de la « Swiss Privacy »
Fondée en 2014 à Genève par des chercheurs du CERN, Proton s’est imposée avec des services comme Proton Mail, un VPN sans logs, un cloud chiffré et l’IA Humo, garantissant un chiffrement de bout en bout et une collecte minimale de données.
Forte de 100 millions d’utilisateurs, l’entreprise incarnait la « Swiss Privacy ». Mais l’ordonnance OSCPT 2025, exigeant des services de plus de 5 000 utilisateurs une transmission en temps réel de métadonnées (adresses IP, sources, destinataires) aux autorités, stockées six mois sur des serveurs externes, brise ce modèle. Sans réquisition judiciaire, cette surveillance continue force Proton à migrer pour préserver sa promesse de confidentialité.
Une militarisation de l’Internet en Europe
La Suisse s’inscrit dans une tendance européenne : la militarisation de l’Internet, où la surveillance de masse prime sur les libertés. En France, la loi renseignement (2015) conserve les métadonnées un an, sous contrôle judiciaire. Au Royaume-Uni, l’Investigatory Powers Act (2016) autorise une collecte massive, encadrée par des juges. La CJUE, dans Schrems II (2020) et Tele2 Sverige (2016), a invalidé la conservation indiscriminée, jugée contraire aux droits fondamentaux. Pourtant, des projets comme le « Chat Control » (2022-2024) visent à scanner les communications chiffrées. La Suisse, avec l’OSCPT, franchit un cap : un flux de données sans filtre, une approche inédite en Europe. Andy Yen, PDG de Proton, avertit : « Nos services en Suisse deviendraient moins confidentiels que Gmail. »
Les droits fondamentaux menacés
Comme le dit la maxime juridique, « qui ne sait énoncer ses droits n’en a point ». L’ignorance des citoyens face à leurs droits fondamentaux permet la prolifération d’aberrations légales, une dynamique observée depuis 2020 avec les mesures d’urgence COVID. L’OSCPT viole :
- Droit à la vie privée : L’article 8 de la CEDH (1950) garantit le respect de la vie privée, des communications et du domicile. La surveillance massive, sans proportionnalité, contrevient à cet article, comme l’a jugé la CJUE dans Tele2 Sverige (C-203/15).
- Liberté individuelle : L’article 5 de la DUDH (1948) et l’article 3 de la DDHC (1789) protègent contre les atteintes arbitraires à la liberté. La collecte indiscriminée de métadonnées, sans suspicion, est une intrusion illégale.
- Protection des données personnelles : L’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (2000) exige un traitement ciblé et proportionné des données. L’OSCPT, en imposant un flux continu, ignore ce principe.
Ces mesures, amorcées sous prétexte sanitaire en 2020, s’inscrivent dans un contexte de tensions géopolitiques, notamment la poussée guerrière de l’UE contre la Russie. Elles rappellent les préludes aux états de guerre, où la surveillance massive sert des visées politiques plus que sécuritaires. Des études, comme celle de l’Electronic Frontier Foundation (2023), montrent que la collecte indiscriminée est inefficace contre le crime, noyant les enquêteurs dans un déluge de données inutiles. Connaître ces droits permet aux citoyens de résister via des référendums ou des recours juridiques. Le communiqué de l’OSCPT est disponible ici : https://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=103968.
Pourquoi l’Allemagne et la Norvège ?
Proton opte pour Francfort et Oslo pour leurs garanties juridiques. L’Allemagne, avec une Cour constitutionnelle stricte, a invalidé trois fois la conservation massive de données. La Norvège, appliquant le RGPD, offre stabilité politique et data centers écologiques alimentés par l’hydroélectricité. Ce choix reflète une fragmentation numérique, où les entreprises fuient vers des juridictions protectrices, un modèle que l’Afrique pourrait suivre.
Un coût pour la Suisse
Le départ de Proton menace l’économie suisse, où les services numériques pèsent 10 % du PIB (Université de Saint-Gall, 2023). La « Swiss Privacy » risque de s’effondrer, repoussant d’autres firmes technologiques. En Suisse, Trema et la Digital Society dénoncent un « cambriolage légalisé », et un référendum pourrait contrer l’OSCPT.
Une alerte pour la souveraineté numérique africaine
La militarization de l’Internet par l’UE menace l’Afrique, où des infrastructures comme 2Africa, financées par Meta et contrôlées par des intérêts européens, compromettent la souveraineté numérique. Ces projets exposent les données africaines à une surveillance massive et à une censure ciblant tout contenu contraire aux intérêts de l’UE ou de groupes économiques. Comme par exemple, 2Africa, reliant 33 pays africains, risque de centraliser le contrôle des flux numériques, privant les États de leur autonomie.
Face à cela, des initiatives comme Afrinet, visant à développer des réseaux sous-marins et des data centers africains, doivent être prioritaires. En investissant massivement dans Afrinet, l’Afrique peut établir ses propres règles de confidentialité, conforme à l'ordre du vivant®, et devenir un refuge pour des entreprises comme Proton. Cela renforcerait l’économie numérique africaine, attirant des firmes technologiques et protégeant les droits fondamentaux des vivants, tout en évitant les dérives totalitaires observées en Europe.
Par : Kouadio Kouamé - Créateur de valeur ajoutée sociale
Références bibliographiques :
- Conseil fédéral suisse (2025). Surveillance des télécommunications et entreprises obligées de collaborer : ouverture d’une consultation. Disponible sur https://www.news.admin.ch/fr/nsb?id=103968.
- Université de Saint-Gall (2023). The Economic Impact of Trust-Based Digital Services in Switzerland. Disponible sur www.unisg.ch.
- Cour de justice de l’Union européenne (2016). Arrêt Tele2 Sverige (C-203/15). Disponible sur curia.europa.eu.
- Cour de justice de l’Union européenne (2020). Arrêt Schrems II (C-311/18). Disponible sur curia.europa.eu.
- Convention européenne des droits de l’homme (1950). Article 8. Disponible sur www.echr.coe.int.
- Déclaration universelle des droits de l’homme (1948). Article 5. Disponible sur www.un.org.
- Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789). Article 3. Disponible sur www.conseil-constitutionnel.fr.
- Electronic Frontier Foundation (2023). Mass Surveillance: Why More Data Doesn’t Mean Better Security. Disponible sur www.eff.org.
- Africa Finance Corporation. Rapport sur l'état des infrastructures en Afrique (2025) - State of Africa's Infrastructure Report 2025.
- Présentation vidéo prospective : "Afrinet bloque l'accès à son réseau numérique aux agences d'espionnage de l'ouest : Parefeu activé". Disponible sur Youtube via le lien : Africa’s AfriNet Now Blocks Western Intelligence Agencies — New Firewall Activated.